C'est chaque année pareil.
On sort les petits-fours de Picardie.
On sort son smoking ou sa robe de sa housse antimite.
On sort la bouteille de champagne qu'on a gardé du dernier 31.
Tout est en place.
Les services de sécurité sont à pied d'oeuvre depuis ce matin.
On a dressé l'enseigne sur la devanture du Chatelet.
Comme chaque année, je suis invité aux César (dans mes rêves).
Comme chaque année je regarderai la télé...
Je ne peux pas m'en empêcher.
Le scénario est connu pourtant.
Les nommés changent, les robes défilent, mais en fait on assiste depuis 35 ans à un remake de la remise des prix d'un collège, avec pour seule nuance que les profs qui présentent font des blagues tout le temps.
Cette année, on a droit à deux préfets: Madame Lemercier, la prof de dessin qui est carrément trop folle et Mr Elmaleh, le prof d'éducation physique qui fait très bien des vannes à tout le monde.
Riche idée de les avoir mis ensemble, ça va péter moi je vous le dit.
Et à ce propos, ce qu'ignorent les gens qui regardent la retransmission à la télé, c'est que le public n'est pas froid.
Il pète de chaud.
La vraie compétition n'est pas là où on l'attend.
Arrivé à moitié à poil par un froid de canard, il se retrouve dans une salle surchauffée par les projos, pendant trois heures au bas mot, sans boire, ni manger, avec un applaudissement requis environ toutes les 30 secondes.
Deux fois par minutes.
Au moins dix claps.
10X2X60X3= 3600 claps minimum du minimum.
Donc, non le public des César n'est pas froid, il est amorti.
Bon, après quand on a la chance de frôler dans le hall la robe de Fanny Ardant, on ne va pas s'en plaindre.
Suffit de prévoir une gourde et une paille molle qu'on glisse dans sa manche pour être discret.
Non, le public des César ne baille pas! Il boit en cachette.
Et un bon anti transpirant.
N'empêche qu'au bout de trois heures de mercis de bravos et de Mr le ministre de la Culture, on en a marre d'avoir les rotules dans le dossier du voisin de devant.
D'où l'inévitable standing ovation.
Non, le public des César ne vénère pas Harrison Ford. Il se dégourdi les jambes.
Et il faut remettre ses Louboutins alors qu'on a les pieds gonflés.
Surtout qu'il faut être bien échauffé pour se ruer ensuite dans les navettes qui vous emmènent au Fouquet's, où après avoir fait un 110 mètres haies pour franchir les barrières de sécurité, dans une cohue impressionnante, il faut arriver à temps pour espérer enfin boire une petite coupette et manger une cuillère de foie gras/ pain d'épice/ chutney de mangue.
Les chutes sont alors nombreuses et les disqualifiés aussi.
Non, le public des César ne sont pas des pique-assiette alcooliques.
Ce sont des sportifs de haut niveau qui ont faim et soif.
Moi je l'ai fait deux fois en amateur, mais j'ai du arrêter la compétition.
Maintenant je suis consultant pour quelques amis et je commente en direct.
Je n'avais plus le niveau.
Je les admire, et c'est pour ça que je ne peux pas manquer une seule cérémonie.
Pensez-y tout à l'heure.
Vous verrez peut être ce 34 ème remake avec un oeil nouveau...
